Il faut fuir.
Il faut fuir il faut fuir de ta maison de ton pays de la planète, il faut partir partir loin d'ici, fermer les yeux courir se terrer, il faut partir oui car on le sait tous, on se ment mais pourtant pourtant rien y fait;
La Terre se meurt devant tes yeux.
La Terre s'évapore tandis que votre vie parasite l'a dévorée jusqu'à la dernière ressource, la Terre vous dit adieu alors que vous fuyez comme des lâches avec comme seul larcin votre pauvre vie, celle qui si terne comparée à l'éclat passé de votre planète s'éteindra bien vite sans son doux berceau pour vous diriger, n'est ce pas ?
Alors toi, insignifiant humain, que vas-tu faire désormais ? Tu es bien ridicule, mon pauvre, les bras croisés, sorti de tes petites habitudes, à crier à l'apocalypse à pleurer contre tes propres vices oh mon petit, il n'y a plus vraiment d’espoir pour quelqu'un d'aussi navrant que toi.
Les riches eux s'en vont bien vite, avec tout dans les poches rien pour leurs proches ils se construisent de beaux vaisseaux pour aller aller là haut, là où les étoiles brillent, là où on vous promet un nouvel El Dorado. Mais tu le sais toi, simple citoyen bien trop humain, tu l'as compris, qu'il n'y aura aucune part du butin pour les vermines de ton espèce.
Alors tu les regardes ces étoiles, ce ciel fier s'étalant face à toi moqueur exhibant ses corps ardents, et puis tu souris un peu froidement.
Non, non, définitivement, il n'y aura rien pour toi là bas.
C'est vrai, qui voudrait de ça ?
Après tout, les étoiles, l'espace, tout ça … Ce sont des rêves de gamins, hein. Tu es loin de ces conneries, toi, mon pauvre gars, les mains dans les poches, ces mêmes poches trouées jusqu'à tes pieds sales tes semelles détachées, toi le premier des glandeurs le dernier des rêveurs, qui dort à même le sol depuis que le pétrole n'est plus depuis que l'alcool ne se revend plus, sans la moindre famille pour t'épauler, épaules qu'il te manque pour pleurer.
Non, c'est vrai, il n'y a plus rien ici.
Comme il n'y aura jamais plus rien pour toi.
Et puis tu te sens un peu euphorique, d'un coup. T'as rien fumé, non ? Pff, ça doit encore être une connerie de cette saleté de planète qui déconne. Sérieux, parfois tu te demandes si elle ne va pas finir par vous exploser sous les pieds. Qu'ils crèvent tous, de toute façon …
De toute façon …
Les mots ne te viennent plus, du coup. Vide, tu es vide. Tu planes, même, Loin. Très loin. Tu as envie de partir au fond, n'est ce pas. T'envoler. Parmi les étoiles. Hurler comme le petit garçon que tu étais, boire pleurer partir mourir encore tu t'en fous, ce que tu veux, ce que tu veux, c'est simplement exister.
Exister comme tout ce qui est possible, pas comme ce trou à rat qui s'éteint un peu plus.
Tout est éteint.
La lumière n'est plus que là, dans tes yeux de pauvre humain déboussolé.
Ça brille. Ça brille même très fort. Tu te sens de plus en plus étrange, perdu, mais ridiculement heureux. Il y avait comme une pluie de douceur juste là, comme des applaudissement des cris de la joie, tu entendais jusqu'ici la gloire des beuveries le plaisir de la vie tout était là.
Dans la Lumière.
Une grosse tâche rose qui s'étendait face à toi, éclatante, fraîche comme la brise d'un été elle tournoyait comme après une bonne cuite elle brûlait comme la rage de vivre qui sommeillait dans ton corps fatigué.
Bordel, ce que c'était bizarre.
Mais tu te sentais presque heureux, là, tout de suite.
Ça vacille, doucement, presque aussi silencieusement qu'un mal de tête vibrant, tu sens un passage, lointain, indescriptible, comme s'il t'appelait.
Et puis tu te dis que tu n'as rien à perdre.
Qu'il n'y a plus rien, ici.
C'est noir. Trop noir pour une vie.
Tu penses un instant à la mort et puis tu hausses les épaules.
Après tout, autant crever dans un trou inter-dimensionnel chelou plutôt que la gueule dans un caniveau rouillé, hein.
Et puis tu sautes.
Et puis tu vis.
☆ ☆ ☆
« Merde, encore des arrivants, foutez les avec les autres ok j'arrive, j'ai, euh, de petites affaires à régler j'irai leur dire que je suis génial tout à l'heure. »
Ok. Sur le coup, tu es un peu perdu, quand même, c'est quoi, cet endroit, ces voix, ces choses ? Pourquoi les néons flottent ? Pourquoi ces mêmes néons sont des putains de poulpes ? Pour quelle raison un truc non identifié avec des pinces à la place de la bouche se décroche de sur le mur pour venir te prendre par les épaules ? Qu’est ce que ces choses baragouinent ?
Pas moyen, ça, c'est du bad trip, mais sévère. Tu te pinces, un peu amusé.
Non.
Non.
C'est bien réel.
Oh mon dieu.
Bien, l'étonnement passé, laisse moi donc t'expliquer, mon petit.
« Bienvenue sur Pulsar, mes chers amis ! Une petite chose en forme d'étoile s'avance sur une estrade surdimensionnée pour sa taille minuscule. Ça doit être, euh, le crieur public ? Bien, permettez-moi de m'excuser, tout d'abord, car votre langage primitif m'a posé quelques problèmes, voyez, je n'ai pas l'habitude de recevoir des sous-espèces dans votre genre dans mon royaume. Bon, ok, ce gars, tu le détestes, en plus qu'est ce- attends. Son. Royaume. Tu veux dire que. C'est.
Je me présente donc, je me nomme Phoebus, et je suis à partir de maintenant, votre suprême et non moins superbe Roi. »
Oh bordel.
Tu n'es pas le seul à être légèrement perturbé par ce petit monsieur, puisque tout le monde dans la salle semble très peu enclins à écouter un stupide nain à paillettes les accueillir ainsi - surtout que, comme toi, ils n'avaient strictement aucune idée d'où ils se trouvaient.
« Moi aussi, je ne suis pas très ravis de vous voir, mais que voulez-vous, j'ai cru comprendre que c'était un peu la crise, sur Terre. Oh, bien sûr, je ne vous retiens pas, si vous souhaitez repartir, et bien, l'espace est à vous. »
Silence.
« Bien, je me disais, moi aussi, que votre race n'était pas trop du genre à apprécier le petit climat frisquet du vide inter-sidéral. Comme nous sommes d'accords là dessus, mes chers sujets - il insistait bien la-dessus, ce petit monstre - laissez-moi maintenant vous présenter votre nouvelle demeure. »
Dans un éclat d'artifices colorés bien surjoués, des rideaux derrière lui s'ouvrirent tandis que ses drôles de bras rabougris s'étendaient d'un air théâtral.
Et là, magie.
Magie, c’est le seul mot qui venait aux lèvres des seuls qui pouvaient encore parler.
Des étoiles ; des étoiles partout. Des petits monticules de terres au loin, flottant dans les airs, des créatures étranges à dos de licornes qui se pavanaient tranquillement de planète en planète, comme si tout était normal.
Ouais, il paraît que ce décor digne d'un bon trip à l'acide s'appelle Pulsar.
« Et ce Royaume, que dis-je, cette Galaxie toute entière, est votre nouveau chez vous – que je peux être généreux, cela me perdra. »
« Je ne vous demande qu'une seule chose, mes chers petits bipèdes imberbes. »
Il a souri, fier, aussi lumineux que son monde le paraissait.
« Brillez. »