Il se souvient juste qu'il faisait froid.
Glacial.
Hivernal.
Horrible. Horrible horrible horrible.
A peine engendré, déjà envie de crever.
Pas de nom. Pas de corps. Pas de conscience. Juste un néant qui n'en peut déjà plus d'exister.
C'était le début de Tout. Il voulait que ce soit la Fin.
Et quelque part, dans l'univers, une petite lueur.
Une flammèche.
Petite.
Ridicule.
Mais
si belle. Si chaude. Si douce.
Il n'était pas encore Existence. Il était dans l'antichambre de la Vie. Dans la chambre froide.
Et à travers la première flamme des temps, il est vraiment né.
Il a jaillit du brasier. S'est élevé. A joué à l'oriflamme.
Il n'a fait qu'un avec le feu.
Il est devenu Efreet.
Le reste est flou. Le reste est fade face à la félicité violente et intense qui hante son souvenir.
Il a apprit à vivre.
Il a apprit la joie le jour où il a parlé à quelqu'un pour la première fois.
Il a apprit la haine quand on a détruit son habitat.
Il a apprit la fierté cette soirée où on l'a complimenté pour son gentil sourire.
Il a apprit la douleur lors de son premier blizzard.
Il a apprit l'amour mainte et mainte fois, et il le réapprend à chaque occasion.
Il a apprit la déception lorsqu'il s'est fait trahir par un ami.
Il a apprit l’émerveillement quand il a enfin pu abandonner Bifröst.
Il a apprit les larmes, la douceur, la candeur, la colère, la stupeur, la revanche, l'amitié, l’espérance, la jalousie.
Il a trop vécu, Efreet. Il a trop vécu mais il ne s'en lasse pas.
Son cœur pleure de son immortalité virtuelle.
Une immortalité qui l'oblige à s'isoler des autres.
Une immortalité qui le force à voir l'univers depuis un niveau plus élevé de conscience.
Son cœur pleure de tant d'être chers perdus dans les mâchoires du temps.
Des êtres qui défilent dans sa mémoire.
Des êtres qu'il n'oubliera pas.
Cette existence lui est rude.
Atroce.
Cruelle.
Pénible.
Pesante.
Cette existence, il l'aime comme il l'a hait.
Il la méprise, la rejette.
Il l'adore, l'a révère
Souvent, il a voulu abandonner. Lâcher prise. Se laisser tomber.
Comme cette fois où une femme qu'il aimait est morte de vieillesse.
Ou ce jour où il a quitté Bifröst.
Ou cet instant où il a réalisé à quel point il était irrémédiablement seul.
Ou encore quand l'éternité lui est tombé impitoyablement sur le coin de la figure.
Tant d'instants où il a faillit craquer. Se briser.
Mais on lui a aussi apprit l’espoir.
On lui a apprit à toujours se relever.
A toujours se battre.
Et il s'est battu, Efreet. Oh oui, il s'est battu. Plus que n'importe qui.
Contre les autres.
Contre lui-même.
Mais au final, il est arrivé là par ses propres ailes.
Il vole haut dans le ciel, rit, sourit.
Peu importe que ce soit un mensonge.
Peu importe.
L'important, c'est qu'il soit là.
Qu'il puisse attendre en paix la fin des Temps, pour espérer retrouver cette minuscule flamme qui l'a fait naître.
L'univers est son terrain de jeu. D'expédition.
Il explore.
Part à l'aventure.
Il ne se lassera jamais de tout découvrir avant tout le monde.
Il découvre de nouveaux mondes. Découvre de nouveaux horizons.
S'émerveille.
Rentre dans son antre.
Et dort pendant des mois d'un sommeil sans rêve.
Et le cycle se répète. Indéfiniment. Depuis quasiment la nuit des temps.
Il a vu tellement de choses, Efreet. Rencontré tant de gens. Sentit tant d'odeurs.
Il a parlé aux étoiles. Il a chanté des berceuses d'un autre age. Il a pleuré pour des raisons triviales. Il a crié face à une comète mourante. Il a passé milles ans à narrer des contes avec passion.
Et pourtant, il se sent tellement insignifiant comparé aux milliers d'âmes qu'abrite Pulsar.