L'océan. Le bruit des vagues, le goût salé de l'eau, l'ondulation de la houle. Il avait ça dans le sang. Il se sentait toujours mieux dans l'eau, plus détendu. Juste– Mieux. On aurait pu le prendre pour la personnification de l'Océan même ; non. Il était juste, l'appel de l'océan. Celui qui vous donnait envie de vous immerger sous l'eau assez longtemps pour sentir le sel pendant des mois et des mois. Arsene savait respirer sous l'eau ; pour son plus grand plaisir. Il nageait comme un poisson, malgré son corps ressemblant à celui d'un humain.
L'enfant terrible ; toujours affichant une moue boudeuse, des hématomes sur les bras. Enfant, indomptable. Il est la honte de sa mère, il le sait. Et ça ne le dérange pas, au contraire. Il hait cette femme, il hait ses réflexions hargneuses et ses manières d'harpie. A la maison, c'était la guerre. Son père était un homme vaillant ; courageux et fort ; du moins c'était ce que petit Arsene pensait, quand il écoutait avec de grands yeux pleins d'étoiles son père raconter d'incroyables histoires de pirates du petit matin jusqu'au coucher du soleil.
Les cris de cette femme ; sa mère, résonnait dans toute la maisonnée. Elle était furieuse, enragée, hystérique. Arsene était assis sur une chaise, au milieu du salon, les pieds nus trempant dans l'eau (le sol de leur maison avait toujours été recouvert d'une fiche couche d'eau, allez savoir pourquoi), le visage coincé dans une expression butée, le regard fixe sur le mur d'en face, un mince filet de sang perlant de ses lèvres, coulant le long de son menton et s'écrasant par gouttes sur le sol humide. Son sang, il était pas bleu, fallait pas déconner non plus. Il était bien rouge, clair, très clair, comme si de l'eau se diluait avec. C'était comme ça que c'était déroulé son premier larcin : avec très peu de finesse, et aussi très peu de discrétion. Il s'était fait attrapé, c'était fait frappé une ou deux fois, deux ou trois fois. Sa mère sort du salon quelques instants sans cesser de hurler des insanités ; l'enfant en profite pour se lever et se précipiter vers la porte, sous le regard de son père qui sourit, amusé. Arsene, il est libre comme l'air, personne ne le retiendra, jamais.
L'adolescence. Rien de spécial. Il avait... Grandi, simplement. Il était presque adulte en fait. Mais sinon, quoi de différent ? Pas grand chose. Ah si, il était encore plus odieux et irrespectueux, en plus d'être égoïste. Il devenait adulte petit à petit. Abandonnant la maison familiale sans vraiment avoir de chez lui dorénavant. C'était ; sa vie. Sa liberté. Ce qu'il voulait. Ne plus être relié à ses figures parentales, ne plus avoir de passé. Être, quasiment, quelqu'un d'autre. Vital, c'était vital.
L'océan l'appelait, encore et toujours.